jeudi 1 mars 2012

Pierre Overney : compte-rendu de la journée d’hommage



Ce samedi 25 février, le PC maoïste et la Cause du Peuple organisaient la journée d’hommage à Pierre Overney, 40 ans après son assassinat. Entre 60 et 70 personnes ont participé sur l’ensemble de la journée, avec de nombreux et nombreuses Camarades s’excusant de ne pouvoir être là. Des messages de solidarité nous sont parvenus des Camarades du PC maoïste d’Italie, du Parti Communiste de Ceylan (maoïste) [Sri Lanka], de la Fédération Nationale des Syndicats du Népal et du Monde Diplomatique Chili.









 La journée a commencé par un rassemblement au métro Père Lachaise suivi par une marche jusqu’à la tombe où Pierrot est enterré. Arrivés sur place, un Camarade a rappelé la lutte que menait Pierre Overney à Renault avec le Comité de Lutte d’Atelier.  Pierre Overney s’était fait viré quelques temps auparavant avec plusieurs Camarades et il revenait pour appeler à la manif antifasciste le soir même, 10 ans après le massacre de Charonne. Une équipe diffusait donc le tract (voir ci-dessous) à la porte Zola de l’usine de Renault Billancourt. C’est là que Tramoni, chef de la milice patronale a défié Pierrot et a tiré, l’abattant sur le coup. Ce même Tramoni qui fut abattu 5 ans plus tard, vengeant la mort du Camarade.

(Cliquez sur le tract pour l'agrandir)





La manif le soir même fut sauvagement réprimée et ne put avoir lieu que grâce à la ruse des militants qui avaient pu briser l’encerclement policier. 

Mais si par la suite la Gauche Prolétarienne fut auto-dissoute par ses chefs, le système d’exploitation et d’oppression lui s’est renforcé et a continué de plus belle. La nécessité d’aujourd’hui est donc de reprendre entre nos mains le combat que menait Pierre Overney. C’est notre façon de lui rendre hommage.




 Après quelques interventions de salut à la mémoire de Pierrot et de ce qu’il représentait, un jeune Camarade est intervenu.

Pour les jeunes générations qui n’ont pas vécu cette époque et qui ont appris cette histoire par une rencontre avec des « anciens » mais sûrement pas dans les livres d’histoire, Pierre Overney est le symbole d’une époque où la jeunesse s’est levée, prête au combat pour aller au-delà de mai 68. Dans ce cadre, la Gauche Prolétarienne est une inspiration, un exemple dont il faut s’imprégner tout en restant bien dans la réalité de notre époque. Il ne s’agit pas d’idéaliser cette organisation. Elle a eu des côtés très positifs comme l’esprit combatif et le lien très développé avec les masses en lutte mais elle a également eu des limites et des défauts. La GP n’est pas un diamant car la pureté n’existe nulle part. Cet hommage n’a donc pas pour but d’idéaliser le passé mais bien de s’en servir pour nos luttes actuelles et le futur que nous voulons construire.








 
Après avoir déposé des œillets rouges sur sa tombe, nous avons chanté le Chant des Nouveaux Partisans puis l’Internationale dont un Camarade nous fit partager le 7ème couplet.

Ouvre bien tes yeux, camarade
Et vois où sont les renégats;
Sors du brouillard, de cette rade,
Rejoins tes frères de combat !
Crie : À bas le révisionnisme,
À bas les mystificateurs !
Vive le marxisme-léninisme,
Notre idéal libérateur !








Le rassemblement  prit fin et les échanges informels se prolongèrent autour d’un verre porté en l’hommage de Pierrot et de toutes celles et ceux tombés au cours de la lutte ici et à travers le monde.
L’après-midi, une rencontre était prévue pour échanger autant sur le passé que sur le présent.

Il fut précisé au début de cette rencontre que l’objectif était d’amorcer l’analyse des expériences passées, et plus précisément de la Gauche Prolétarienne, afin d’en tirer les leçons pour aujourd’hui.

Ainsi, un Camarade précisa que le journal la Cause du Peuple d’aujourd’hui est un moyen d’entamer la construction d’un Front Révolutionnaire Antifasciste/Anticapitaliste et Populaire mais aussi de recueillir les idées justes au sein du peuple et de commencer à les synthétiser pour les généraliser, les populariser. Le FRAP va se développer petit à petit par la construction de Comités de Lutte, de Comités de Quartier, de Comités sur une question particulière (antifascisme, solidarité internationale, féminisme prolétarien,…), etc. en partant des préoccupations concrètes des gens et des nécessités que le mouvement rencontrera au cours de son développement.


Un jeune de la JCML se réclamant de Marx, Engels, Lénine et Staline a ensuite affirmé que la mort de Pierre Overney confirmait la théorie marxiste-léniniste de la lutte de deux classes antagonistes. Aujourd'hui, nous sommes dans une période plus calme que ces années là mais demain ? La répression sera bien plus violente contre les ouvriers s'ils ne se résignent pas à une baisse des salaires de 40% par exemple. Comment les diriger alors qu'aucun groupe aujourd'hui en France ne peut se prétendre être le parti. Le thème du débat devrait donc porter sur la question du parti.

Un Camarade a éclairci le sujet en rappelant que Marx et Engels ont posé les fondements de la théorie révolutionnaire du prolétariat dont le noyau central a été posé par Marx dans son analyse du Capital. Lénine, lui, a posé la deuxième pierre, celle de la révolution prolétarienne et de la prise du pouvoir par le prolétariat à l’époque de l’impérialisme, phase supérieure du capitalisme. Staline a poursuivi la construction du socialisme. Mao a enrichi la théorie prolétarienne, et ce dans plusieurs domaines.

Dans le domaine de la dialectique, il a identifié la loi de contradiction comme loi unique du mouvement et a développé le traitement différent des contradictions suivant que ces contradictions sont entre l’ennemi et nous ou au sein du peuple.

Dans le domaine économique, il a commencé à régler la contradiction entre la ville et la campagne, l’industrie et l’agriculture, par la création des communes populaires.

Dans le domaine militaire, il a enrichi la théorie et la pratique par la guerre populaire, qui n’est pas seulement une question militaire, mais avant une théorie politique appliquée à la question militaire, alliant la guerre de mouvement à la guerre de front, mais aussi à la constitution de bases d’appui, de zones libérées où s’exercent le pouvoir populaire.

Dans le domaine culturel, la Révolution Culturelle, révolution politique dans le Parti et l’appareil d’Etat pour que la dictature du prolétariat s’exerce, se renforce dans tous les domaines contre la nouvelle bourgeoisie qui se forme dans le Parti et dont l’objectif est la restauration du capitalisme.

C’est en prenant en compte toute l’expérience historique du prolétariat que nous pourrons de nouveau avancer sur la voie de la révolution, en recueillant l’avancée positive de la théorie et de la pratique et en en rejetant les aspects négatifs.

Pour cela nous avons besoin d’un Parti Communiste dont l’objectif est la prise du pouvoir par et pour le prolétariat comme classe révolutionnaire. Mais le Parti n’est pas suffisant. Pour regrouper l’ensemble des couches du peuple, il est nécessaire de développer le Front Révolutionnaire Anticapitaliste/Anticapitaliste et Populaire. Le front se forme d’une façon autonome de toute politique conciliatrice et s’édifie à travers la formation de comités de lutte dans les entreprises, de comités de quartiers, etc. Enfin, le peuple ne pourra vaincre sans former une organisation spéciale pour faire reculer la bourgeoisie et finir par la vaincre.

La bourgeoisie utilise différents moyens -politiques, économiques, culturels, policiers et militaires,…- une guerre multiforme contre le prolétariat. Ce dernier, s’il veut en finir avec le système, doit y répondre par une guerre multiforme, appelée guerre populaire.

En 1980, après la restauration du capitalisme en URSS à la fin des années 60  et en Chine après la  mort de Mao, la première guerre populaire a commencé au Pérou. Les partis se sont regroupés au sein du Mouvement Révolutionnaire Internationaliste en 1984. Depuis, la Guerre Populaire s’est développée aux Philippines, au Népal et aujourd’hui en Inde où elle se déroule sur un tiers du territoire. Le Mouvement Communiste International se réorganise aujourd’hui dans le monde entier, le maoïsme va de l’avant.

Un Camarade qui était chez Renault et travaillait avec Pierre Overney a ensuite présenté la situation à l’époque.

Le contexte d’alors conduisait régulièrement les maos à lutter, y compris physiquement, contre la CGT et le PC de l’époque. Mais il y avait des contradictions en leur sein. Par exemple, certains militants CGT qui avaient connu les grandes grèves de 36 restaient à la CGT par « protection » en quelque sorte. Le Camarade estime même que si le mouvement mao avait pu se présenter aux élections syndicales, ils auraient raflé la majorité des sièges.

Les principaux ennemis étaient donc la direction mais aussi les « bonzes » de la CGT et du PC. Il y avait des affrontements très souvent aux portes de l’usine et pour cela les maos bénéficiaient d’un soutien extérieur. Même Jean-Paul Sartre est venu diffuser des tracts.

A l’intérieur de l’usine, c’étaient surtout la CGT et la CFDT qui avaient le pouvoir. La question était alors de savoir comment faire pour obtenir un soutien plus important. C’est comme ça que l’idée de diffuser le film sur la guerre d’Algérie « Avoir 20 ans dans les Aurès » se développa. Après la projection, le soutien devint très important. Le slogan des vieux de chez Renault était devenu : « Quand les maos sont là, la saleté s’en va ! »

Malheureusement, après la dissolution, les militants se sont dispersés à droite à gauche.

Le Camarade a ensuite précisé que selon son opinion, le PC et la CGT de l’époque n’ont rien à voir avec le PC et la CGT d’aujourd’hui.

Après une question sur l’aide de l’ambassade de Chine, le même Camarade a précisé que la Gauche Prolétarienne n’a pas été aidée directement par la Chine. Un autre intervenant a précisé que certaines actions filmées étaient transmises à l’ambassade pour information et savoir ce qu’ils en pensaient mais que ça n’allait pas plus loin.

La proposition fut ensuite faite de se mobiliser pour qu’une rue ou une place prenne le nom de Pierre Overney.

Un Camarade a ensuite avancé que si l’idée était bonne, il fallait surtout trouver les moyens de consolider et développer le mouvement. L’idée peut s’inscrire dans la mobilisation pour faire passer le message que le passé serve le présent en précisant que le passé n’est pas seulement la mémoire mais que c’est surtout le contenu de la mémoire. Ainsi, la situation n’est pas la même aujourd’hui que dans les années 70. Comme le disait le Camarade auparavant, si la ligne des syndicats est toujours conciliatrice, il faut aussi voir qu’ils sont moins brutaux et qu’ils se sont affaiblis. Il est plus facile d’intervenir aujourd’hui. Ce qu’ils avancent est de rassembler au plus large possible.

Pour nous, il ne s’agit pas de rassembler n’importe comment. En premier lieu, le front que nous construisons n’est pas un front au sommet. Ce genre de front ne marche pas. Par exemple, en 1936, l’Internationale a tapé sur les doigts du PCF pour avoir réalisé l’unité au sommet et pas à la base. Même s’ils ont fait leur autocritique, il était trop tard car Hitler arrivait au pouvoir. L’unité à la base n’aurait peut-être pas empêché Hitler d’arriver au pouvoir mais la résistance et l’organisation auraient pu prendre une base plus correcte pour la prise éventuelle du pouvoir au lieu de le laisser entre les mains des socialistes et des radicaux de gauche et ensuite de la réaction.

Nous devons trouver les moyens de développer le front aujourd’hui de manière la plus unifiée possible –et pas unitaire-, car nous savons très bien que dans le processus, les gens n’adhère pas au Parti comme ça de but en blanc juste parce qu’on dit que le parti c’est le meilleur, etc. Ça c’est du pipeau. Les gens le voient très clairement et décideront de rejoindre le Parti ou de rester dans le Front. Ça dépendra de la situation. On peut prendre l’exemple de la Résistance. Il y avait un parti communiste mais aussi des non-communistes. Il y avait des croyants et des non-croyants. C’est comme dans les banlieues. Peu importe la religion, les ouvriers sont nos frères de classe.

Dominique Grange, qui a écrit et chanté de nombreuses chansons révolutionnaires pendant et après 68, a commencé ses quelques chansons en parlant de son engagement dans la Gauche Prolétarienne, établie en usine. Elle connaissait bien Pierrot et le décrit comme « quelqu’un de très sympa, très battant, qui aimait bien se marrer, qui aimait la vie, qui était toujours partant pour faire des choses. C’était quelqu’un qui n’avait pas peur. D’ailleurs, il a défié Tramoni, il n’a même pas eu peur de l’arme à feu qu’il avait en face de lui, braquée sur lui. Il incarnait la résistance des jeunes dans les usines, ce que nous avons appelé la nouvelle résistance face au nouveau fascisme et qui a peut-être l’air pour les plus jeunes d’être des clichés mais pour nous ça n’en est pas. D’ailleurs, nous nous sentions les héritiers de la Résistance de l’époque de nos pères. Nous avions hérité de l’idée formidable que nous pouvions résister aux pires forces d’extrême droite. »


Vint la chanson Chacun de vous est concerné, avec une introduction en italien. Cette chanson est sortie au moment de l’ouverture de la fac de Vincennes sur un disque autogéré. La chanson a voyagé et un chanteur italien s’en est emparé et l’a appelé la Chanson de Mai. C’est un bel exemple que nos outils, les armes qui sont à notre disposition doivent circuler. La chanson est d’ailleurs une arme intéressante puisqu’on peut la transporter partout, c’est une arme qui résiste aux fouilles, qui traverse les murs, qui traverse les frontières, qui peut aller au bout du monde dans une langue ou une autre.


La chanson suivante fut Grève illimitée, écrite au moment où les grèves et occupations d’usines commençaient à se propager.


En 2007, Sarkozy a fait un discours célèbre à Bercy dans lequel il souhaitait effacer l’héritage de ces années, particulièrement de 68, comme s’il en était propriétaire alors que c’est un héritage populaire qui appartient au peuple. C’est pourquoi la chanson N’effacez pas nos traces fut écrite. D’autre part, c’est aussi un hommage aux jeunes qui furent déportés en Allemagne dans les camps de prisonniers et qui y perdirent 5 années de leur jeunesse et qui résistèrent comme ils pouvaient au sein de ces camps. La Résistance joua un rôle très important dans la formation de la conscience politique de la Gauche Prolétarienne.

En France, il y a eu et il y a toujours pas mal de prisonniers politiques. Il y avait les prisonniers d’Action Directe, les militants basques qui sont encore nombreux dans les prisons, les militants bretons, Georges Ibrahim Abdallah militant communiste libanais toujours emprisonné -28 ans déjà !-, les communistes espagnols. D’où la chanson la Voix des prisons.


Vint alors la chanson hommage Pierrot est tombé.


Pour finir, les Nouveaux Partisans fut reprise en chœur par la salle, mettant fin à cette belle journée d’hommage et encourageante pour l’avenir.



 Pierre Overney est toujours vivant !

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