mercredi 1 août 2012

Manesar (New Dehli) : l’usine Suzuki au feu, les chefs au milieu




Manesar (New Dehli) : l’usine Suzuki au feu, les chefs au milieu
(Le 23 juillet 2012)



 
Un mort et dix blessés lors de heurts entre ouvriers et contremaîtres en Inde
Le Monde.fr (avec l’AFP), 19/07/2012

Le directeur du personnel d’une usine indienne du constructeur automobile Maruti Suzuki a été brûlé vif et des dizaines de personnes ont été blessées lors de violents heurts entre des ouvriers et des responsables du site. Le corps calciné de ce responsable, Avnish Kumar Dev, a été identifié jeudi 19 juillet après avoir été retrouvé dans la salle de conférence de l’usine de Manesar, située à environ 50 km de la capitale, a indiqué le groupe.

Selon le groupe, les troubles ont démarré mercredi matin lorsqu’un salarié a violemment frappé un contremaître. Le groupe accuse le syndicat ouvrier d’avoir refusé que des sanctions soient prises et d’avoir empêché les cadres de sortir de l’usine. Mais selon le syndicat c’est le contremaître qui a “maltraité” un ouvrier qui se plaignait et qui a été remercié.

88 OUVRIERS ARRÊTÉS
Toujours selon Maruti, les ouvriers, munis de barres de fer, ont frappé des responsables “à la tête, sur les jambes et le dos, provoquant des hémorragies et des pertes de conscience”. Au total, environ 90 contremaîtres ont été blessés et 50 d’entre eux ont été hospitalisés, notamment pour des fractures et des blessures à la tête, selon l’un des responsables de Maruti. Certains ont été admis en soins intensifs. Deux cadres japonais ont été blessés et admis dans un établissement privé, a déclaré un autre responsable, sous le couvert de l’anonymat.
“Tous les employés qualifiés ont dû fuir pour échapper à la foule en colère, certains ont sauté par dessus les murs de l’usine”, a témoigné auprès de journalistes Virendra Prasad, un contremaître souffrant de blessures à la tête. Selon la police, qui a déployé des centaines de membres des forces de l’ordre sur le site jeudi, où le calme était de retour, au moins 88 ouvriers ont été arrêtés pour des charges allant du meurtre au pillage.

PRODUCTION SUSPENDUE
“La production a été totalement suspendue”, a déclaré un responsable, précisant ne pas savoir quand le site, d’où sortent 550 000 véhicules par an, rouvrirait. Letitre du groupe, détenu à majorité par le japonais Suzuki, a plongé en fin de journée de près de 9 % à la Bourse de Bombay, à 1 117,35 roupies (environ 15 euros), les investisseurs craignant que la fermeture de l’usine ne se prolonge.

L’usine de Manesar emploie 2 000 personnes. Elle produit jusqu’à 1 200 véhicules par jour, dont la mini A-Star, la Swift et la SX4. Une suspension prolongée de la production serait un revers majeur pour le groupe, qui a accusé un recul de 29 % de son bénéfice annuel 2011-2012 à 16,36 milliards de roupies, c’est-à-dire environ 320 millions de dollars. 

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Flambée de violence dans une usine Maruti Suzuki de New Delhi
LE MONDE | 20.07.2012 à 12h23

Des heurts d’une rare violence ont éclaté entre des ouvriers et leur personnel d’encadrement dans une usine indienne du constructeur automobile Maruti Suzuki, près de New Delhi, blessant près d’une centaine de manageurs et provoquant la mort du responsable des ressources humaines. Son corps a été retrouvé calciné, dans la nuit de mercredi 18 à jeudi 19 juillet, après qu’une partie de l’usine a été ravagée par les flammes. Dans la foulée, 91 ouvriers soupçonnés de meurtre ou de pillage ont été arrêtés par la police.

Les incidents auraient démarré mercredi matin par une altercation entre un ouvrier et son contremaître. Ce dernier l’aurait maltraité et insulté sa caste - les intouchables - à en croire le syndicat. Un autre ouvrier aurait réagi en le frappant au visage, ce qui lui aurait valu sa suspension immédiate. Des collègues en colère auraient ensuite fermé les portes de l’usine, saccagé les bureaux et battu à coups de barre de fer les manageurs.

Cette flambée de violence met en lumière un aspect moins connu du développement rapide de l’industrie automobile en Inde : les conditions de travail y sont difficiles et le dialogue social tendu. A l’usine de Manesar, où les incidents se sont produits, les ouvriers travaillent huit à douze heures par jour, six jours par semaine. "Pendant notre pause-déjeuner de trente minutes, on a juste le temps de faire la queue à la cantine située à 500 mètres de l’usine, et de manger sur le chemin du retour, et on n’a droit qu’à deux autres pauses de sept minutes et demie chacune", explique l’un d’entre eux qui préfère rester anonyme.

Si tous les employés sont soumis au même rythme de travail et assurent les mêmes tâches, tous ne bénéficient pas du même statut. Plus de la moitié des effectifs de l’usine de Manesar sont intérimaires. Un ouvrier employé par Maruti Suzuki touche un salaire fixe mensuel de 150 euros (10 000 roupies indiennes) auquel s’ajoutent des primes allant jusqu’à 120 euros. Un intérimaire ne perçoit que la moitié de ces revenus, même après des années d’expérience.

Les entreprises indiennes recourent à l’intérim pour contourner un code du travail jugé trop rigide. Par exemple, une usine de plus de 100 employés ne peut pas licencier sans l’autorisation du gouvernement. Les industriels ne font pas que sous-traiter le recrutement de leur personnel à des tiers. Ils leur délèguent surtout la gestion délicate de la relation avec les inspecteurs du travail. Cette tâche est devenue un métier à part entière, complexe et risqué, étant donné les réglementations souvent ambiguës.

"LES INÉGALITÉS SE CREUSENT"
Les ouvriers de l’usine de Manesar avaient déjà réclamé l’intégration des intérimaires lors de trois grèves qu’ils avaient déclenchées l’année dernière. "La tension augmentait ces derniers mois car le management n’avait pas tenu toutes ses promesses", estime Satyam Varna, de l’organisation Bigul Mazdoor Dasta, basée à Delhi, qui défend les droits des ouvriers.

L’augmentation des salaires faisait aussi partie des revendications. L’inflation a atteint les 10 % cette année et frappe les plus bas revenus. Or, les ouvriers de Manesar vivent entre New Delhi, où la classe moyenne éduquée tire profit de la croissance, et des villages, dont certains habitants sont devenus millionnaires en vendant leurs terres à des promoteurs immobiliers ou des industriels. "Les inégalités se creusent, il faut s’attendre à une recrudescence des conflits sociaux", estime R. Jagannathan, le rédacteur en chef du site d’information Firstpost.com.

Le problème de la représentativité des syndicats ne favorise pas le dialogue social. En Inde, les ouvriers sont méfiants vis-à-vis des leaders syndicaux, soupçonnés de corruption et de collusion avec le management, mais aussi vis-à-vis des grandes centrales syndicales affiliées à des partis politiques.

Avec 95 % de la population active indienne qui travaille dans le secteur informel, et ne bénéficie donc pas de protection sociale ni de retraite, une grande réforme du travail s’impose dans le pays, comme l’a reconnu en février le premier ministre indien, Manmohan Singh. Mais le gouvernement hésite à présenter un projet de loi devant le Parlement, par crainte de perdre des alliés au sein de la coalition au pouvoir.

Vendredi matin, l’usine de Maruti Suzuki, qui assemble 550 000 véhicules par an, était toujours à l’arrêt. Cette dernière assurant près de 15 % de la production de voitures du pays, la Société des constructeurs automobiles indiens a aussitôt revu à la baisse les prévisions de croissance du secteur pour l’année 2011-2012. La tragédie de Manesar ne va pas encourager les investissements étrangers, à l’heure où l’Inde, dont le rythme de croissance a ralenti à 5,3 % au premier trimestre, cherche à les attirer pour développer son industrie.

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